3eme et dernier témoignage d’un minot afghan marseillais. Sakhi, arrivé en 2017 en France. 🇦🇫🕊️


1ere partie : Le parcours


Bonjour, je m’appelle Sakhi, j’ai 24 ans et je suis afghan. Je suis arrivé en France, ça fait 4 ans, j’avais 20 ans. Je me suis installé à Marseille depuis 3 ans. Aujourd’hui j’ai des frères et des sœurs en Afghanistan.


Quand j’avais 6 mois, ma mère est décédée. Nous vivions au centre de l’Afghanistan dans la province de Ghazni, ville de Jaghori. Nous étions de la communauté Hazara, qui est majoritaire dans la ville de Jaghori. Quand j’étais petit, j’étais en Afghanistan et c’était le premier gouvernement taliban. Les talibans ont annoncé un jour que tous les hazaras devaient quitter le pays et que si quelqu’un leur faisait du mal, ils n’auraient plus le droit de porter plainte. Du coup, mes deux grands frères, mon père et leurs familles ont commencé à partir vers l’Iran.


Moi j’étais trop petit pour me rappeler du gouvernement taliban, j’ai grandi en Iran. Nous étions arrivés avec le visa et après nous sommes devenus des clandestins. Quand j’étais petit, je n’avais pas le droit d’aller à l’école officielle iranienne parce que je n’avais pas la nationalité iranienne. J’ai appris à lire grâce à l’association “Naihzar Sawat Amozi” où j’ai pu étudier pendant un an. C’est la seule période de mon enfance où j’ai pu un peu étudier et apprendre à lire. C’est peu pour apprendre à régler les situations dans la vie.


Nous vivions dans les chambres de l’usine où travaillait mon grand frère. C’est une usine de production d’oxygène pour les hôpitaux, les chalumeaux… Quand j’avais 9, 10 ans, un ami du patron de mon frère est venu dans son usine et a vu qu’on vivait là bas. Il m’a proposé de travailler pour lui et de m’apprendre le métier. Il avait un magasin de vente de matériel en bâtiment. Il a commencé à me donner un salaire de suite. Si je cassais du matériel, il enlevait le prix de mon salaire.


J’ai travaillé là-bas 2, 3 ans. Puis il y a d’autres patrons qui ont été intéressés pour me faire travailler. Après j’ai travaillé pendant 6 mois dans un magasin qui vendait et remplaçait des bobines électriques. Après j’ai travaillé un an dans un magasin de voltage faible. J’avais 13, 14 ans, c’est à cet âge là que mon père est mort. Avec le patron et le chef d’équipe, je montais des tableaux, je réalisais des circuits.


Puis mon grand frère qui était le chef de famille m’a expliqué que je devais demander une augmentation à mon patron, mais ce dernier n’a pas accepté. Alors mon grand frère m’a amené dans un autre métier dans le bâtiment. J’étais dans les chantiers, c’était trop fatigant. Il fallait porter des briques et les monter sur plusieurs étages. Faire monter le ciment pour les échafaudages. Quelque temps après, mon frère a décidé de revenir en Afghanistan pour s’installer.


Au bout de 6 mois, il a demandé au reste de la famille en Iran, sa femme et ses enfants, de le rejoindre et m’a demandé à moi de rester tout seul. Après il a vendu les terres de mon père et est parti avec sa famille en Indonésie. Aujourd’hui il vit au Canada. Moi je n’ai reçu aucun argent des terres qui appartenaient à notre famille. Et puis il demandait que je continue à envoyer une partie de l’argent de mon travail en Iran à sa famille.


Quand j’avais 15, 16 ans, j’étais seul en Iran. Je n’avais pas de maison, pas de logement. J’ai arreté de travailler dans le bâtiment pour travailler dans une carrière de pierre. J’avais peur d’être attrapé par la police ou les militaires iraniens car j’étais un clandestin et je pouvais être renvoyé en Afghanistan. Mais aussi si on m’attrapait, le gouvernement iranien avait obligé des milliers d’afghans à aller combattre en Syrie contre Daech, et sinon elle nous menaçait de prison plusieurs mois.


Comme je ne voulais pas faire la guerre, j’ai décidé de quitter l’Iran pour aller en Turquie. Quand je suis arrivé, je me suis rendu compte que les gens de Turquie étaient racistes parce qu’ils ne donnaient pas du travail à tout le monde. J’étais à Istanbul, alors pour essayer de survivre j’ai trouvé un métier de misère. J’avais un chariot, je marchais en ville pour chercher les plastiques, les cartons, le fer, le cuivre,… pour le revendre à des magasins qui le revendaient plus cher. Des jours il n’y avait rien, d’autres jours il y en avait plein. Je gagnais juste de quoi vivre au jour le jour. Le prix de la location d’une chambre à Istanbul était plus cher que tout ce que je gagnais en un mois.


J’avais 17 ans et j’ai décidé de venir en Europe. Je suis parti d’Izmir, sur un petit bateau en plastique, un zodiac. On était 18 ou 19 personnes. On est arrivé au large de l’île de Samos et la police nous a arrêtés avec un grand bateau et un hélicoptère. On a été 6 mois dans un camp dans la montagne de l’île de Samos. C’était comme une prison, on n’avait pas le droit de sortir dans la journée. La nourriture, ça allait, c’était des pommes de terre avec un peu de sauce, un peu de viande. J’ai appris un peu la langue anglaise, j’ai rencontré d’autres Afghans et je pouvais parler ma langue maternelle. Je ne me sentais pas tout seul. Mais comme j’avais envie de parler ma langue maternelle, ce n’était pas facile d’apprendre d’autres langues comme le grec.


Après, comme j’étais mineur on m’a envoyé à Athènes dans un foyer. J’avais un appartement avec d’autres, c’était trop bien. Je jouais avec des collègues comme un enfant, c’est ce que j’avais jamais connu parce que j’ai commencé à travailler à 9 ans. Dès que j’ai eu 18 ans, on m’a renvoyé dans un immense camp, je crois que c’était celui de Morià. On était dans un conteneur transformé en chambre, on était 4 ou 5 dedans. J’avais des compagnons de chambre qui fumaient beaucoup de haschich, j’avais peur de devenir fumeur comme eux alors j’ai décidé de m’échapper plutôt que de devenir drogué. Je suis parti vers le port de Patras et je me suis caché sous un camion qui rentrait dans le bateau qui partait en Italie. La police m’a attrapé deux ou trois fois, ils me relachaient et je reessayais.


En Italie, je suis resté une semaine à Milan. J’ai essayé de partir en Suisse, mais la police contrôle et c’est impossible d’échapper. Alors je suis revenu à Milan et j’ai commencé à venir en France. Je suis arrivé à Nice en me cachant dans le train, nous étions tout un groupe. A Marseille, j’ai cherché à acheter un billet pour Paris et j’ai eu de la chance car j’avais pas l’argent et quelqu’un m’a donné comme un faux billet.


Comme il n’y avait pas de contrôleurs, j’ai pu arriver à Paris. Je me disais “soit maintenant, soit jamais”. Dès que je suis arrivé à Paris, j’ai cherché la police municipale. Je suis rentré dans un restaurant et j’ai demandé en anglais : “Where i can find Police ?”. La serveuse était choquée : “Pourquoi vous cherchez la police ?” J’ai parlé avec mes mains pour expliquer que je voulais demander l’asile, déposer mes empreintes.


Après, ça faisait 14 jours que j’étais à Paris, je dormais dehors. Je restais dans le métro toute la journée, à circuler et à chercher un camp car les policiers m’avaient donné l’adresse. Ensuite je suis allé dans un camp à Porte de La Chapelle dans le XXème arrondissement. Après les autorités du camp ont décidé de partager les réfugiés dans plein de régions ,et moi je suis arrivé à Sisteron dans un foyer.


A Paris, les policiers avaient trouvé mes empreintes et que j’étais passé en Italie, mais c’était juste avant le début de la loi qui oblige les réfugiés à rester dans le premier pays où ils rentrent en Europe. C’est grâce à ça que j’ai eu l’asile en France. Lorsque j’ai eu l’interview pour la demande d’asile, j’ai raconté tout ce que ce je vous ai dit là, mais je vous en dit plus aujourd’hui.


A Sisteron, je partageais la chambre avec quelqu’un qui fumait beaucoup de haschich aussi dans la chambre, qui écoutait la musique fort. Je me suis plaint à l’Assistante Sociale, je lui ai montré une vidéo et je lui ai expliqué que je n’arrivais pas à dormir. Je suis resté un an à Sisteron. J’étais arrivé en France en février 2017, à la fin de l’année 2017, j’ai eu mes papiers.
Le professeur de français de l’école du Greta de Manosque m’a proposé de faire une formation de maçon VRD, qui veut dire Voirie Réseau Divers pour travailler sur les canalisations, les trottoirs. A la fin 2018, j’ai reçu le diplôme. J’avais passé ma formation à Istres et j’ai commencé à travailler à Marseille.


J’ai travaillé pour des agences d’intérim et après ils m’ont proposé un autre contrat dans un chantier qui dure jusqu’à maintenant. Je travaille dur, il n’y a pas d’augmentation de salaire et il y a des risques de se blesser. Moi, je me suis blessé à l’œil avec une poussière de ferraille et mon collègue s’est blessé gravement au bras avec une disqueuse. On l’a aidé à faire un garrot. Il a été en arrêt deux mois et aujourd’hui il n’a pas récupéré sa force et ne peut pas travailler comme avant.


Aujourd’hui à Marseille, je me sens bien, mais il y’a des difficultés comme pour chaque vie. J’aimerai prendre des cours pour améliorer mon français, mais je ne peux pas car je dois travailler pour gagner de l’argent. J’aimerai trouver un logement social plus grand que là où j’habite qui est plus petit qu’un studio, je dois cuisiner en cachette. Je paye 390€ de loyer par mois et je n’ai pas droit à des aides de la CAF.


✌️Rdv vendredi pour la suite et fin du témoignage de Sakhi qui nous parlera de son point de vue sur le retour des talibans et de son rapport à la foi. Partagez, likez, bouléguez ✌️

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