Je suis bangladais. Je vais bientôt avoir 16 ans. J’ai une grande famille : mes parents et 5 grandes sœurs. Mon père est fermier et ma mère est femme au foyer. C’est courant que les mères ne travaillent pas au Bangladesh. Deux de mes sœurs sont mariées et les trois autres étaient avec moi à la maison. Je suis proche de mes sœurs, surtout de la deuxième plus grande ; je suis aussi proche de ma mère. Comme mon père travaille beaucoup je ne le voyais pas beaucoup. J’avais beaucoup d’amis, chaque après midi on allait dans les champs pour jouer au cricket. Le matin on avait école.
C’est terrible pour moi parce que ma vie est en danger dans mon pays : ma tante veut me tuer. Elle veut reprendre le terrain sur lequel on a installé notre maison, et elle nous harcèle et nous frappe pour qu’on lui rende, alors que c’est elle qui nous l’avait donné au départ. Elle veut le vendre à un riche. Au Bangladesh, les frères et sœurs s’entretuent pour des terres. Mes sœurs vivent à l’intérieur de la maison donc elle ne sont pas en danger ; et surtout, comme je suis le garçon ce sera moi qui héritera de leur maison à leur mort. C’est pour ça que ma tante veut me tuer.
Alors mon père m’a dit de quitter le pays mais je n’Ă©tais pas d’accord parce que je voulais continuer d’aller Ă l’Ă©cole. Finalement, j’ai dis « ok » parce que j’avais vraiment peur. Mon père connaissait quelqu’un dans le village qui pouvait me faire quitter le pays, un de ces passeurs qu’on appelle « Dallal ». Le dallal nous a emmenĂ© en Inde. On Ă©tait une douzaine, on est parti en voiture et on a traversĂ© la frontière Ă pied. Ça a durĂ© une journĂ©e car mon village est en bordure de frontière. En Inde, on est restĂ©s 1 mois et on avait un roti (pain indien) par jour, c’Ă©tait très difficile on avait vraiment faim. On a dormi en tentes dans les champs, il y avait beaucoup d’insectes qui nous piquaient.
Après on est passĂ© par le Pakistan, soit on marchait soit on Ă©tait en bus, et on a traversĂ© la frontière Ă pied. On est restĂ© une semaine et pareil, on dormait en tentes, dans une grande ville. Après on est allĂ© en Iran. Parfois on avait mĂŞme pas de nourriture de la journĂ©e, juste on buvait de l’eau. On avait très faim. En Iran et en Turquie après, on dormait dans une chambre, mais on Ă©tait une douzaine dans la chambre donc c’Ă©tait pas de bonne conditions de vie. En Iran on est restĂ© une semaine et en Turquie un mois et demi. Dans ces chambres on Ă©tait comme des prisonniers. Je ne l’oublierais jamais, c’est horrible. On est restĂ© un mois et demi dans une chambre sans jamais aller Ă l’extĂ©rieur. Pour passer le temps, on discutait et on dormait, mais c’Ă©tait quand mĂŞme très très long.
Ensuite on est allĂ©s en Italie, on est restĂ©s 3 ou 4 jours dans une chambre. J’ai dis au dallal que je voulais parler avec mon père, alors il m’a donnĂ© un tĂ©lĂ©phone pour l’appeler. Mon père m’a dit qu’on Ă©tait en Italie et qu’on allait en France. Les dallals ne sont pas de bonnes personnes, parfois ils nous frappent. Le dallal en Italie avait l’air d’ĂŞtre une bonne personne mais les autres Ă©taient vraiment mĂ©chants.
Je suis arrivĂ© en France par camion. Il nous Ă dĂ©posĂ© quelque part dans la nuit. Je ne savait pas oĂą j’Ă©tais. Ici tout le monde s’est sĂ©parĂ©. Alors j’ai suivi la route Ă pied jusqu’Ă trouver un endroit pour me reposer. J’ai marchĂ© 3 ou 4 heures et je suis arrivĂ© Ă la gare de Marseille. J’avais très faim. J’ai dormi lĂ jusqu’au matin. Le matin j’ai rencontrĂ© un autre bangladais, je lui ai demandĂ© de l’aide et il m’a dit d’aller au commissariat de police en fin de journĂ©e, que lĂ -bas des gens m’aideraient. J’y suis allĂ© et une policière m’a dit de revenir le soir pour qu’on s’occupe de moi. En attendant je suis retournĂ© Ă la gare et j’ai demandĂ© au bangladais oĂą je pouvais manger, il m’a montrĂ© un endroit Ă cĂ´tĂ© de la gare oĂą une association vient pour donner Ă manger aux gens qui ont faim. J’ai attendu et vers 15 heures des gens sont arrivĂ©s et j’ai enfin pu manger pour la première fois depuis que je suis arrivĂ© en France.
Donc le soir je suis retourné au commissariat et un membre de l’association RAMINA m’a acceuilli chez lui pendant 25 jours. Maintenant le département m’a pris en charge et je suis à l’hôtel. C’est pas pour autant que je suis rassuré, car je n’ai pas encore passé mon évaluation, et on peut me refuser le statut de mineur. Je connais deux jeunes qui n’ont pas reçu le statut de mineur, ont été expulsés de l’hôtel et sont à la rue. Sinon à part ça, je trouve les français très gentils, j’aime bien Marseille.
Pour finir, je veux vous partager la bande-annonce d’une série drama turque qui s’appelle Dirilis Ertugrul ; je la regarde toute la journée, c’est très intéressant surtout si tu es musulman car ça parle de l’empire ottoman. C’est inspiré d’une histoire vraie. Il faut aimer les combats d’épée aussi.
✌️Rdv lundi pour une nouvelle parole de minot. Partagez, likez, bouléguez ✌️