1Ăšre partie. Le parcours :
Bonjour, je mâappelle Ibrahim, jâai 20 ans. Jâhabite Ă Marseille et je viens de lâAfghanistan. Je suis Ă Marseille depuis plus de deux ans et demi. Jâavais dĂ©jĂ fait un parole de minot en juin 2019.
En Afghanistan, je suis nĂ© dans la province de Wardak, au nord de Kaboul. Jâai grandi et jâai Ă©tĂ© scolarisĂ© en Afghanistan, puis je me suis retrouvĂ© dans une situation financiĂšre trĂšs compliquĂ©e. Il y avait aussi des risques dâinsĂ©curitĂ© car les talibans posaient des bombes dans les Ă©coles, faisaient des attentats, volaient les gens.
Quand jâavais 14, 15 ans, je me suis dit que c’Ă©tait mieux de quitter lâAfghanistan car les familles nâavaient pas les moyens de payer lâĂ©cole et mĂȘme il nây avait pas les professeurs. LâĂ©cole ce nâĂ©tait pas une maison, câĂ©tait comme des bĂąches en plastiques avec des poteaux en bois qui nâexistait que lâĂ©tĂ©. Sinon c’est l’Ă©cole religieuse dans la mosquĂ©e.
AprĂšs je suis allĂ© en Iran avec des collĂšgues car beaucoup de mon village y vivaient. Jâai travaillĂ© lĂ bas, pour trouver un logement câest plus facile quâen France, mais le risque câest de se faire arrĂȘter par la police quand on est sans papiers, car on peut ĂȘtre renvoyĂ© de suite en Afghanistan et câest trĂšs frĂ©quent. Chaque jour, câest des centaines dâAfghans qui entrent en Iran et le gouvernement demande une taxe, câest devenu un business.
En Iran, il nây a pas de lois pour lâintĂ©gration, câest trĂšs difficile dâavoir des papiers pour un travail lĂ©gal. Ceux qui sont arrivĂ©s il yâa plus de 20 ans, 30 ans ont un renouvellement chaque annĂ©e et ceux qui arrivent aujourdâhui nâont aucune chance dâavoir une carte. En plus quand tu as une carte de sĂ©jour, câest pour faire des mĂ©tiers particuliers comme dans le bĂątiment, dans les carriĂšres, les mines, ou lâagriculture. Je voyais les jeunes iraniens de mon Ăąge qui allaient Ă lâĂ©cole et moi jâĂ©tais obligĂ© de faire ces mĂ©tiers-lĂ . Câest pour ça que jâai dĂ©cidĂ© de ne jamais revenir en Afghanistan et de quitter lâIran.
Câest comme ça que je suis parti en Turquie avec des amis, on Ă©tait cachĂ© dans les camions. Puis de la Turquie, je suis restĂ© presque un mois et on a pris le petit bateau. On est arrivĂ© jusquâĂ cĂŽtĂ© de lâĂźle de Samos en GrĂšce et câest la police sur les bateaux qui nous a amenĂ© sur un grand bateau pour aller Ă AthĂšnes. On a eu de la chance, il yâa des gens qui font 5 fois, 10 fois la traversĂ©e, qui est trĂšs dangereuse car on est sur des zodiacs abĂźmĂ©s, et la police les ramĂšne chaque fois en Turquie.
Toujours avec les mĂȘmes amis, on a payĂ© un billet illĂ©gal pour monter dans le ferry Ă Patras et arriver en Italie. Petit Ă petit, on a commencĂ© Ă se sĂ©parer. Certains Ă©taient restĂ©s en GrĂšce pour aller en Allemagne. Dâautres depuis lâItalie ont voulu aller en Suisse. On est arrivĂ© Ă trois Ă Nice. On a chacun eu une opp par le juge Ă Nice pour ĂȘtre mis Ă lâabri. Puis un est restĂ© Ă Nice, un a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă Paris, et moi jâai Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă Marseille.
Moi, jâĂ©tais avec un malien et on nous a envoyĂ© Ă Marseille en nous disant que des Ă©ducateurs allaient venir nous chercher Ă la gare. Quand nous sommes arrivĂ©s Ă la gare, il nây avait personne. On a dormi trois jours dehors. On est allĂ© Ă la police, ils nous ont dit dâaller Ă la DIMEF. On est restĂ© 15 jours Ă lâhĂŽtel, puis on nous a demandĂ© de partir car il nây avait pas de places. On est reparti dans le bureau de la DIMEF, place Castellane. LĂ il nây avait pas de solutions et ce sont dâautres jeunes qui nous ont parlĂ© du squat St Just. On y est allĂ© et on y est restĂ© deux mois. CâĂ©tait en fĂ©vrier 2019.
En avril jâai pu enfin ĂȘtre mis Ă lâabri, je suis restĂ© un an et demi Ă lâhĂŽtel. CâĂ©tait bien au dĂ©but, aprĂšs câĂ©tait compliquĂ© car il fallait aller chercher les repas loin et car on Ă©tait deux dans la chambre. En septembre 2019, jâai pu commencer lâĂ©cole pour faire un vrai apprentissage du français. En janvier 2020 comme jâavais bien progressĂ©, jâai pu faire un bac pro dans un domaine qui me plait. Jâai dĂ» beaucoup travaillĂ©, avec le confinement câĂ©tait compliquĂ© mais jâai rattrapĂ© le retard et aujourdâhui je commence la derniĂšre annĂ©e de Terminale.
Plus tard, jâaimerai continuer avec un BTS en alternance. Aujourdâhui je me sens libre et en sĂ©curitĂ©, on mâa accordĂ© une carte avec la protection subsidiaire pour 4 ans. Quand je marche dans la rue, je nâai pas peur de me faire agresser.
âïž RDV Vendredi pour la suite et fin du rĂ©cit d’Ibrahim qui parlera de la situation de son pays et de son point de vue sur le retour des talibans. Partagez, likez, boulĂ©guez âïž