Mugnal Allah Ouali, ce n’est pas mon vrai prénom. En pulaar, cela veut dire : “Patience, Dieu va nous aider”. Je suis arrivé à Marseille, il y’a environ deux mois.
Jusqu’à présent on est là, on a pas d’hôtel, on part à l’ADDAP. Ils nous donnent une mandarine et une tasse de Lipton, ça trois fois par semaine. On est beaucoup, on dort dehors, on est sous les ponts. Y’a pas l’argent, on est obligé de voler le métro pour aller à l’ADDAP, car on ne nous donne pas les tickets. Le mangé qu’on nous donne, ça ne suffit pas, trois fois par semaine une mandarine et un Lipton. Si on part au commissariat, y’a pas de places. On nous dit d’aller à l’ADDAP, mais l’ADDAP c’est fermé. On n’a pas la possibilité d’appeler nos parents. Nos parents pensent qu’on a tout parce qu’on est rentré en Europe. En fait en Europe c’est pas facile, si tu as pas de papiers, tu ne peux pas travailler, tu n’es pas libre.
Moi, j’étais en Guinée, dans un quartier populaire de Conakry. J’ai grandi avec ma tante. Ma tante a beaucoup de fils et moi elle ne m’a pas payé l’école. Elle m’a amené au garage, je rentrais à la maison. C’est moi qui faisais tout le ménage pour ses fils, mes cousins et mes cousines. Après j’ai décidé de rester au garage, parce que je ne me sentais pas bien à la maison. Toujours il y’avait des discours, on me frappait. Pourquoi j’étais chez ma tante ? Moi, je ne connais pas mon père. Il est parti quand j’étais tout petit. Maintenant j’ai 15 ans et je n’ai jamais eu de nouvelles. Je parle seulement avec ma mère, des fois. Quand j’étais au garage, elle venait me rendre visite, des fois.
C’est là bas que j’ai eu quelqu’un qui m’a amené sur la route. Moi je ne savais même pas qu’on allait en Europe. On a traversé le Mali, l’Algérie. En Algérie j’ai vu les arabes, je pensais que c’était les blancs et que j’étais en Europe. Je suis resté un peu de temps et j’ai compris que c’était les arabes. Après on est allé en Libye. Quand on est arrivé en Libye, on nous a fait rentrer dans une cour, on était plus de vingt personnes. On nous a dit d’appeler les parents pour envoyer l’argent. Tout le monde a appelé les parents. J’ai appelé ma maman, elle ne savait même pas que j’étais sorti de Guinée. Elle était au marché quand je lui ai dit, elle a eu un peu de tension et elle est tombée. Après on est resté là-bas deux semaines, on m’a envoyé l’argent. J’ai laissé là-bas quelques personnes. J’ai quitté et moi je voulais retourner en Guinée. J’étais avec une autre personne, lui il m’a encouragé comme je suis tout petit à rentrer en Europe avec lui.
On est arrivé dans un village au bord de l’eau. On nous a poussé sur l’eau, sur un zodiac, à 22h. On nous a attrapé à 2h du matin, les gendarmes de Libye. On nous a ramené dans un port, on nous a mis dans un camion. Après on nous a enfermé, moi comme j’étais petit je suis resté dans la cour pas en cellule. On est resté cinq mois, on nous frappait, il n’y avait pas à manger. On nous demandait d’appeler les parents pour envoyer l’argent. Moi, j’avais perdu le contact de ma mère. Nous, on a eu la chance de s’enfuir, on était quatre personnes. On nous a donné le contact d’un passeur pour nous remettre sur l’eau. Quand tu es en Libye, il n’y a pas moyen de revenir en arrière, comme en Guinée. Le seul moyen c’est de prendre un avion pour le Niger, donc c’est pas possible.
Le passeur nous a fait attendre trois mois qu’il y ait beaucoup de personnes. On nous a lancé sur l’eau avec une autre personne qui s’était enfui avec moi. On était plus de 80 personnes sur le zodiac. Il y avait un bateau italien qui revenait de Libye après avoir pris du carburant là-bas. C’est lui qui nous a sauvé et nous a amené à Lampedusa. On est resté une semaine à Lampedusa. Nous les mineurs on nous a amené à Sicilia. On est resté trois mois, il n y avait pas l’école, on ne comprenait pas la langue. Juste manger, dormir.
On nous donnait un peu d’argent, moi j’ai gardé et j’ai eu 150€. Avec, j’ai payé le bus pour aller à Milan, et de Milan jusqu’à Vintimille. Les policiers français nous ont attrapé dans le train pour Nice. On est resté enfermé deux heures de temps. On nous a fait les empreintes. Après les policiers français il nous ont ramenés aux policiers italiens. Mais comme j’étais mineur, moi et tous les autres comme moi, les policiers italiens nous ont ramenés en France dans le camp des policiers français à Menton.
Après il y’a quelqu’un qui est venu nous chercher dans un petit bus pour nous amener à Nice. Il nous a payé l’hôtel et il nous a dit qu’on pouvait rester si on voulait, mais qu’on pouvait partir aussi. Moi, j’avais peur car à Nice on renvoie les gens en Italie. Et aussi ce jour-là, je me suis connecté et j’ai appris que le grand frère qui m’avait fait prendre le bateau la première fois ; il a pris le bateau après la prison pour traverser et il est tombé à l’eau avant que les secours arrivent. Mes condoléances et paix à son âme. Il était fils unique. C’est moi qui ai appelé ses parents en Guinée pour les informer. On n’a pas pu retrouver son corps.
Voilà mon histoire, si vous avez lu ce que je viens de vous raconter, je supplie tout le monde : afrique, europe, celui qui a vu mon message.., si vous pouvez nous aider aussi parce que nous sommes tout seuls. On est rentré en Europe, on n’a pas de parents. Même pour manger c’est des problèmes, si vous pouvez nous aider on vous en supplie. Dieu va vous bénir.
Pour finir, je voudrais vous partager cette chanson de Corneille. J’ai commencé à l’écouter en Libye. C’est un ami qui me l’a fait découvrir pour oublier de retourner en Guinée, même si je dois mourir sur l’eau. Alors aujourd’hui je suis en France et je vis chaque jour comme le dernier.
✌️ Rdv vendredi pour une nouvelle parole de minot. Partagez, likez, bouléguez✌️