Je viens de Guinée Conakry, je suis arrivé à Marseille il y a un an. J’ai déjà écrit une Parole de Minot le 12 avril passé, mais il y a des choses que je n’ai pas racontées sur mon départ de Guinée et aussi je veux dire où j’en suis maintenant.
En avril, à Marseille, je ne pouvais pas encore aller à l’école, car c’était bientôt les vacances d’été. Alors, en attendant, j’ai cherché un club de foot pour m’entraîner. Je veux être footballeur professionnel, j’ai joué dans des clubs quand j’étais en Italie et je voulais continuer en France.
J’ai fait des essais dans différents clubs de Marseille et, en juin, le club d’Endoume m’a recruté. Je me suis entraîné avec ce club tout l’été. On a fait aussi des matchs amicaux, on a gagné trois fois et j’ai réussi à mettre des buts et à donner des passes décisives.
J’étais content de rejouer au foot, parce que j’avais peur de perdre ma forme physique et le sens du jeu collectif. A Endoume, j’ai retrouvé tout ça et je me sentais même mieux qu’avant en Italie. Et puis, en août, on a participé à un tournoi à Toulon. Et là, il y avait un monsieur du club d’Aubagne qui m’a vu jouer et qui m’a appelé pour que je vienne jouer dans son club. Depuis septembre, je m’entraîne trois fois par semaine à Aubagne et je joue les matchs le week-end. En plus, je garde la forme, je cours et je fais attention à ma nourriture.
En septembre, j’ai commencé l’école à Marseille pour parler et écrire mieux le Français. Normalement je dois rentrer dans une classe de CAP en janvier. Je veux toujours être footballeur professionnel, mais je veux aussi apprendre un autre métier par sécurité. Peut-être boulanger comme le sénégalais qui m’avait hébergé en Libye, qui m’avait appris son métier et qui m’avait bien traité.
Dans la Parole de Minot d’avril, je n’ai pas dit pourquoi je suis parti de Guinée. Je veux le raconter aujourd’hui.
Quand j’étais très jeune, mon père m’a envoyé dans une autre ville pour aider mon oncle à cultiver les fruits. Mais je ne faisais que travailler, je ne pouvais plus jouer au foot dans mon club et mes amis d’enfance me manquaient. Mon grand frère venait parfois me voir chez mon oncle, il a vu que j’étais malheureux. Il a discuté avec le petit frère de son patron qui vivait au Sénégal et qui a dit que je pouvais vivre chez lui, que j’irai à l’école et aussi au club de foot de Saint-Louis.
Je suis parti un soir sans le dire à personne et sans dire au revoir à ma famille qui n’habitait pas dans la même ville que moi. Mon frère avait payé pour qu’on m’accompagne de chez mon oncle en Guinée jusqu’à la frontière entre le Mali et le Sénégal. Et là, je devais attendre qu’on vienne me chercher pour m’amener à Saint-Louis.
Mais, quand j’attendais, j’ai entendu des jeunes garçons comme moi qui parlaient de partir en Europe. J’ai parlé avec eux et ils m’ont dit que ça ne servait à rien d’aller au Sénégal, que ce n’était pas mieux que la Guinée et que la promesse de l’école et du foot, c’était pas vrai.
Alors je les ai écoutés et je suis parti avec eux vers l’Europe.Avec l’argent qui restait de mon grand frère, je suis arrivé au Burkina Faso. Là, je l’ai appelé. Il était en colère, il a dit que j’étais un mouton et il a raccroché.
A ce moment-là, j’avais envie de rentrer dans mon pays. Je pensais que, si mon frère me rappelait pour me donner de l’argent, je rentrerais chez mon oncle. Mais, quand mon frère m’a rappelé, il était calmé et il m’a proposé de l’argent pour continuer la route vers l’Europe.
Je ne m’attendais pas à ça, mais j’ai continué le voyage jusqu’en Libye. Là, comme je l’ai déjà raconté dans ma première Parole de Minot, j’ai été trompé par un patron qui ne m’a pas donné mon salaire et qui a appelé la police. Je me suis retrouvé en prison, on nous donnait du pain le matin et le soir, c’est tout. Et on nous faisait travailler comme des esclaves, sans nous payer.
Un jour, on a profité d’une bagarre dans la cour de la prison pour s’enfuir. On était au moins 400 dehors ! Moi, j’ai marché pieds nus pendant des heures pour atteindre la ville, mais heureusement une famille de libyens m’a pris en voiture ; elle m’a donné de la nourriture et des vêtements. Et après j’ai rencontré ce boulanger sénégalais qui s’est bien occupé de moi.
Sur la route vers l’Europe, parfois on m’a trompé et parfois on m’a aidé. Alors, quand je suis arrivé en France, j’étais méfiant.
Mais maintenant, quand on me demande si ça va, ici, à Marseille, je dis « ah oui, c’est bien meilleur ! » J’ai l’espoir d’évoluer au Club d’Aubagne comme footballeur. Et, grâce à ce club, maintenant j’ai la licence de la Fédération Française de Football. Mais, mon rêve, c’est de rentrer à l’OM.
La dernière fois, j’avais partagé avec vous des photos de moi quand je jouais en Italie. Aujourd’hui, je veux partager avec vous une photo de mon joueur français préféré : Ousmane Dembélé.
✌️Rdv lundi pour une nouvelle parole de minot. Partagez, likez, bouléguez ✌️